Romans

« Pourvu que la nuit s’achève » de Nadia Hashimi

emilie Un avis de Saiwhisper

Titre : « Pourvu que la nuit s’achève »
Auteur : Nadia Hashimi
Genre : Littérature contemporaine / Drame
Éditeur : Milady

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résumé du livre

Lorsque Zeba est retrouvée devant chez elle, le cadavre de son mari gisant à ses pieds, il paraît évident aux yeux de tous qu’elle l’a tué. Depuis son retour de la guerre, Kamal était devenu un autre homme, alcoolique et violent. Mais cette épouse et mère de famille dévouée est-elle vraiment capable d’un tel crime ? Présumée coupable, Zeba est incarcérée dans la prison pour femmes de Chil Mahtab, laissant derrière elle ses quatre enfants. C’est à Yusuf, fraîchement revenu des États-Unis pour régler une dette symbolique envers son pays d’origine, que revient la défense de ce cas désespéré. Mais alors que son avocat l’exhorte à parler, Zeba garde obstinément le silence. Quel terrible secret cache-t-elle ? Qui cherche-t-elle à protéger en acceptant de jouer le rôle du suspect idéal ? Il faudra beaucoup de courage à Yusuf pour braver un système judiciaire corrompu et faire innocenter celle que tout le monde voit déjà pendue haut et court.

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Ma critique

Comme je me doutais en lisant la quatrième de couverture, « Pourvu que la nuit s’achève » a eu l’effet d’une claque. Pourtant, je ne m’attendais pas à ressentir autant de violence, d’indignation et de mépris face à cette injustice que subissent les femmes afghanes au quotidien. Certes, je connais la situation grâce à des documentaires et à des reportages… Mais ce n’est jamais pareil qu’être confronté à une fiction basée sur du vécu ou reposant sur des choses qui existent… En plongeant dans un roman et en s’attachant aux personnages, les sensations sont décuplées. couv4581400On ressent ce que traversent les protagonistes et cela nous touche comme un coup de poing en plus de nous faire réfléchir. J’ai trouvé que la plume de Nadia Hashimi dégageait énormément de justesse, de pudeur et de réalisme. Son récit m’a fait songer à du Yasmina Khadra ou au très touchant « Mille soleils splendides » de Khaled Hosseini.

Dans cette histoire, on va suivre l’affaire de Zeba, une mère de famille, qui a été retrouvée en larmes près du cadavre de son mari. Les autorités ne cherchent pas très loin : c’est forcément Zeba la coupable ! On embarque donc la jeune mère sans hésiter, on la force à signer une déposition reconnaissant le crime, puis on la jette en prison où elle devra attendre le verdict des juges qui semblent déjà avoir tout décidé… C’était sans compter l’arrivée de Yusuf, un avocat afghan exilé aux États-Unis pour échapper à la guerre, qui va enquêter sur cette étrange affaire. Le scénario va papillonner à travers plusieurs personnages. On va principalement être aux côtés Zeba durant son incarcération. D’abord renfermée sur elle-même, elle va peu à peu se lier d’amitié avec les autres prisonnières, notamment Latifa, Nafisa et Mezhgan. La narration va également se placer derrière Gulnaz, la mère de Zeba, qui possède d’étranges pouvoirs et n’hésite pas à utiliser son savoir-faire pour réaliser le bien autour d’elle. Bien évidemment, on va suivre les recherches de Yusuf, le seul homme qui saura se montrer attentif aux paroles des Femmes qui l’entourent. C’est quelqu’un de droit, patient, intelligent et persévérant… À aucun moment, il a douté ou a enfreint son devoir… Néanmoins, j’ai trouvé qu’il était presque trop parfait. Face à lui, les autres Hommes semblaient tous mauvais, voire inhumains… J’aurais souhaité voir d’autres personnages masculins plus nuancés afin de contraster un peu.

La condition des Femmes est au cœur du récit cependant, il serait réducteur de parler de cet ouvrage simplement qu’à travers ce prisme. C’est également un roman abordant la thématique de la famille, du couple, de l’entraide et de la vie en Afghanistan. C’est une lutte acharnée pour que justice soit rendue. J’ai été impressionnée Zeba qui s’est avérée être une héroïne admirable pleine de courage et d’honneur. Les révélations autour du crime m’ont fait l’effet d’une gifle… Honnêtement, j’ignore si j’aurais agi ainsi à sa place… Je ne pense pas avoir une telle grandeur d’âme. Quoi qu’il en soit, j’ai vraiment été admirative des valeurs de Zeba ainsi que de son caractère. Il y a aussi l’ascension de sa notoriété en prison qui est réellement très intéressante ! De plus, j’ai été émue par sa relation avec sa mère. Leur lien est vraiment puissant, émouvant et spécial… Outre le trio principal, j’ai eu un peu de mal à retenir le nom des autres personnages. D’ailleurs, au départ, j’ai été assez perdue tant il y avait de monde… Cela dit, j’ai tout de même été marquée par l’injustice à laquelle doivent faire face Latifa, Nafisa, Mezhgan et les autres prisonnières. Les raisons de leur captivité sont si imméritées et révoltantes ! Être jetées en cellule pendant plusieurs années à cause d’une fuite permettant d’éviter un sort qu’elles n’approuvent pas, un simple repas avec un ami ou le fait de tomber amoureuse d’un homme que leur famille désavoue est une abomination sans pareille… Et dire que certaines femmes vivent cela !… Comme le souligne l’auteure, être une Femme est un fardeau. Leur parole ne compte pas et vaut forcément moins qu’un homme, elles n’ont aucun droit et, lorsque l’on doit punir quelqu’un, on n’hésite pas à s’attaquer à des femmes innocentes dans la famille dont le seul délit est d’être du même sang que celui qui a fauté…

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On a là une lecture poignante, engagée et profondément bouleversante. Je la recommande fortement. C’est un roman puissant et assez important à lire, en particulier pour faire évoluer les mentalités. Il est inadmissible qu’on en soit encore réduit à de telles injustices et inégalités en 2018 ! Les thèmes abordés sont hyper forts et mettent en avant une triste réalité… Toutefois, j’avoue que, malgré mon enthousiasme, j’ai trouvé le rythme très lent. Par exemple, il faut attendre une centaine de pages avant que Zeba et Yusuf se rencontrent. Certains passages manquaient parfois de dynamisme… Malgré ces longueurs, j’ai été transportée par ce récit et le recommande si vous recherchez un livre féministe touchant, avec des thématiques actuelles et se déroulant ailleurs qu’en Europe… Merci aux éditions Milady !

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Citations

Dans un couple, ni le mari ni la femme n’est absolument irréprochable. Ils sont les seuls à connaître la vérité de leur histoire.

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Autrefois, mère et fille étaient aussi liées qu’une fleur et sa tige. Zeba avait été une enfant resplendissante, la parfaite illustration du nom que son père lui avait donné. Elle quittait les genoux de ce dernier pour s’asseoir à côté de sa mère, gloussait lorsque, à tour de rôle, ils lui chatouillaient le ventre, lui embrassaient le sommet du crâne ou la faisaient sauter en l’air.

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Je crois que la plupart des femmes imaginent la mort de leur époux, soit parce qu’elles la redoutent ou l’attendent. C’est inévitable. On se demande quand et comment cela arrivera.
J’avais imaginé mille morts différentes pour mon mari : en vieil homme entouré de ses enfants, ou bien abattu d’une balle par des insurgés, s’écroulant les deux mains sur le cœur, ou encore frappé par la foudre en se rendant là où il n’aurait pas dû. Cette dernière version était ma préférée. Allah, pardonne mon imagination débridée.

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Ma note

♥ 4,5/5

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12 réflexions au sujet de « « Pourvu que la nuit s’achève » de Nadia Hashimi »

  1. J’avais déjà repéré le roman, mais c’est le genre de lecture que je ne lis qu’au bon moment et avec parcimonie… Dans tous les cas, ta chronique donne très envie de le découvrir et met bien en avant l’intensité du récit, et les émotions qu’il a suscitées en toi.

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  2. Je n’ai pas lu celui-ci mais j’ai lu 2 autres romans de Nadia Hashimi et ils étaient également vraiment bouleversants. « Si la lune éclaire nos pas » notamment donne un aperçu de la condition de la femme avant et après l’installation du régime taliban en Afghanistan.

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