Science Fiction

« Vox » de Christina Dalcher

emilie Un avis de Saiwhisper

Titre : « Vox »
Auteur : Christina Dalcher
Genre : Science-Fiction / Dystopie / Roman d’anticipation
Éditeur : Nil éditions

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résumé du livre

Jean McClellan est docteure en neurosciences. Elle a passé sa vie dans un laboratoire de recherches, loin des mouvements protestataires qui ont enflammé son pays. Mais, désormais, même si elle le voulait, impossible de s’exprimer : comme toutes les femmes, elle est condamnée à un silence forcé, limitée à un quota de 100 mots par jour. En effet, le nouveau gouvernement en place, constitué d’un groupe fondamentaliste, a décidé d’abattre la figure de la femme moderne. Pourtant, quand le frère du Président fait une attaque, Jean est appelée à la rescousse. La récompense ? La possibilité de s’affranchir – et sa fille avec elle – de son quota de mots. Mais ce qu’elle va découvrir alors qu’elle recouvre la parole pourrait bien la laisser définitivement sans voix…

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Ma critique

Suite à de nombreux avis, qu’ils soient bons comme celui des Fantasy d’Amanda, Stelphique et Lena Bubi ou plus mitigés comme pour Malecturothèque, j’ai eu envie de découvrir Vox ! Le contexte et les thématiques abordées étaient ce qui m’intriguait le plus, car ils me paraissaient à la fois intéressants et révoltants. couv75398365Imaginez : un monde où les Femmes n’ont plus le droit de s’exprimer et sont limitées à cent mots par jour… Écrire, lire, signer, travailler, voyager est désormais prohibé et réservé à la gent masculine. Pire : une Femme est obligée de subvenir aux besoins de son mari ainsi que de sa famille. Ses droits les plus fondamentaux ont été anéantis progressivement. Esclave, utérus sur pattes, presque un objet « jetable » devant aller faire les courses et entretenir le foyer, leur rôle est limité. Cette régression m’a personnellement écœurée, d’autant que les moyens décrits sont plutôt perturbants ! Je souhaitais que ce livre aux messages féministes me remue et c’est réussi ! Ces pages ne m’ont pas laissée insensible… D’ailleurs, la place des Femmes n’est pas la seule chose à m’avoir abattue, puisque l’ouvrage va aller plus loin, notamment avec la place des homosexuels ou des infidélités que l’on punit d’une simple balle dans la tête. C’est une véritable dictature religieuse asphyxiante où le patriarcat sème la peur, le silence et l’obéissance

Jean, ou Gianna avant qu’elle ne quitte son pays d’origine (l’Italie), est une héroïne intelligente, révoltée, stratège et assez attachante. Elle a vécu cette véritable descente aux enfers et n’accepte pas cette muselière électronique que les enfants de la nouvelle génération acceptent aveuglément. Son mari Patrick semble aussi pourri et lâche que les autres Hommes, son aîné Steven est corrompu, les jumeaux Sam et Léo suivent le mouvement, tandis que la petite Sonia seulement âgée de cinq ans n’a connu que ce système. Jean se sent donc seule et désemparée face à cette injustice de masse. Elle voudrait que les choses changent, au moins pour sa benjamine, ce que l’on peut aisément comprendre. J’ai été émue par les personnages féminins de cette famille, que ce soit l’héroïne pour son dévouement ou Sonia qui, jeune et ingénue, ne comprend pas le danger. La scène où elle annonce fièrement qu’elle a été la première de sa classe à avoir le moins parler, si bien qu’elle en a été récompensée, m’a remué l’estomac. Du côté des Hommes, Steven est celui qui m’a le plus marqué. Il représente cette jeunesse masculine manipulable qui se fait endoctriner. Ses études vont le pousser à intégrer les Hommes Purs, un groupe radical. Son cas n’est pas sans rappeler le fascisme ou la seconde guerre mondiale avec la Shoah, puisque l’adolescent va être incité à dénoncer son entourage ou à prôner haut et fort la nouvelle idéologie. Cette délation terrible va souvent de paire avec la dictature, mais j’ai été ravie de voir la façon dont Christina Dalcher l’a développée, car elle montre toutes les retombées qu’il peut y avoir, qu’elles soient psychologiques ou non.

L’intrigue est prenante. Certes, il n’y a pas de rythme et il ne faut pas s’attendre à de l’action, car l’auteure s’attarde surtout sur le contexte et le développement des différentes thématiques toutefois, cela ne m’a pas ennuyée. J’ai tourné les pages avec intérêt, assistant avec la même impuissance que l’héroïne aux nouveautés de ce monde. En revanche, je n’ai pas spécialement adhéré à l’histoire d’amour avec Lorenzo, trouvant ce dernier trop « parfait » et lisse. Bien que son comportement soit inacceptable, j’ai préféré le personnage de Patrick qui est plus creusé, complexe et avec ses défauts. Par ailleurs, j’ai ressenti plusieurs facilités scénaristiques, notamment dans le dénouement que j’ai jugé trop rapide. Éviter un choix pour l’héroïne par la mort d’un personnage, limiter les dégâts, faire dans l’expéditif et conclure aussi aisément ne m’a pas forcément convaincue. J’ai donc passé un très bon moment et j’étais tenue en haleine durant les cinquante dernière pages, néanmoins je m’attendais à un peu plus ! Malgré ces petites fausses notes, il n’en demeure pas moins que « Vox » est un bon roman d’anticipation féministe qui pousse à la réflexion. Il m’a d’ailleurs donné envie de reprendre le visionnage de la série « La servante écarlate » qui propose un univers similaire.

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Citations

Réfléchis à ce que tu dois faire pour rester libre.
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Celui qui a eu l’idée de libeller les documents classifiés à l’aide d’un tampon rouge gigantesque pour nous mettre en garde (ou nous donner un indice sur le contenu) est un crétin. Il aurait aussi bien pu écrire OUVRE-MOI dessus.
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Il est en colère, il est vexé, il est frustré. Rien ne justifie pourtant les mots qui sortent ensuite de sa bouche, des mots qu’il ne pourra jamais effacer, des mots qui s’enfoncent plus loin que n’importe quel morceau de verre, et qui me font saigner de tout mon corps.
– Tu sais, chérie, je me demande si je préférais pas quand tu ne parlais pas.
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Peut être que les choses se sont passées de la sorte en Allemagne pour les nazis, en Bosnie avec les Serbes, au Rwanda avec les Hutus. Je me suis souvent posé la question, comment les enfants pouvaient ils devenir des monstres, où est ce qu’ils avaient appris que le meurtre était légitime et l’oppression justifiée, comment en une seule génération le monde pouvait changer d’axe jusqu’à devenir méconnaissable.
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Ma note

4/5

16 réflexions au sujet de « « Vox » de Christina Dalcher »

  1. J’ai trouvé ce roman très sympa et très chouette ! L’un des reproches que j’ai pu lire vis à vis de ce dernier c’était de ressembler à La servante écarlate en étant moins bon. Ce n’est un pas un livre parfait, loin de là, néanmoins il a le mérite de mettre en place une réflexion hyper intéressante dans une oeuvre vraiment accessible !

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    1. Je comprends ton ressenti, car il est vrai que le contexte est assez similaire et les idées véhiculées sont les mêmes… Mais je pense que les deux œuvres ont leurs avantages comme leurs inconvénients.
      Je te rejoins sur le fait que les réflexions sont très intéressantes et que c’est un bon livre, même s’il n’est pas parfait. 🙂

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  2. Je suis d’accord avec toi concernant les petites fausses notes de la fin : celle-ci est expéditive, et on se débarrasse d’un personnage, simplement parce qu’il est soudain en trop. Et c’est clairement trop facile !
    Mais cette lecture m’a tellement emportée (et révoltée), que j’ai vite pardonné ces maladresses à l’auteur :).

    En tout cas, je suis contente de voir que mes conseils portent leurs fruits (OUF, je suis soulagée :D).

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  3. J’avais commencé « Vox » en lecture audio mais je n’arrivai pas à rentrer dedans. Je pense qu’il serait mieux que je le lise mais ce sera plus un emprunt bibliothèque car le prix est relativement élevé (ou en poche, quand il sortira). En tout cas, il continue à me donner envie.
    Ah ! J’aime beaucoup la série TV « La servante écarlate ». Je trouve qu’elle est très intéressante, même si flippante…

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    1. Qu’est-ce qui t’avait déplu avec l’audio ? Le style d’écriture ? Le début long ? L’interprète/parolier ?
      Le prix est effectivement élevé… Mais merci Vinted ! 😀 Je l’ai eu pour vraiment pas cher !
      C’est clair que l’univers de La servante écarlate est terrifiant…

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