Romans

« Macadam » de Jean-Paul Didierlaurent

emilie Un avis de Saiwhisper

Titre : « Macadam »
Auteur : Jean-Paul Didierlaurent
Genre : Recueil de nouvelles / Littérature contemporaine
Éditeur : Folio

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résumé du livre

Pour tromper l’ennui lors des confessions, un prêtre s’adonne à un penchant secret. Une jeune femme trouve l’amour aux caisses d’un péage. Pendant la guerre, un bouleau blanc sauve un soldat. Un vieux graphologue se met en quête de l’écriture la plus noire. Une fois l’an, une dame pipi déverrouille la cabine numéro huit ?

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Ma critique

J’ai lu ce recueil de nouvelles par curiosité, car j’ai apprécié les deux premières publications de l’auteur, mais également dans le cadre de mon travail. En effet, lors d’une future animation, nous allons lire quelques récits avec plusieurs membres de l’équipe de la médiathèque ! couv68829108De ce fait, j’ai plongé dans « Macadam » en me demandant si Jean-Paul Didierlaurent allait s’en sortir avec des textes plus courts. Finalement, ce fut une assez bonne découverte. Moi qui n’apprécie pas le genre des nouvelles, je reconnais que j’ai été agréablement surprise, notamment grâce à quelques histoires dont la chute s’est révélée surprenante !

C’est par exemple le cas avec « Brume », « Le jardin des étoiles », « Macadam », « Shrapnel » et « Rose sparadrap ». Tous ont réussi à proposer un dénouement inattendu, glaçant et touchant, ce qui a fait d’eux mes favoris. « Brume » retrace le quotidien d’un homme envoyé en maison de retraite. Son analyse sur le quotidien des seniors est très juste et j’ai été émue par les métaphores employées… Ses dernières lignes sont aussi marquantes que « Shrapnel ». Ce dernier va s’orienter vers un genre plus historique, puisqu’il va mettre en avant un octogénaire qui a été blessé durant la Seconde Guerre mondiale. Les descriptions des combats faisant rage sont intenses. L’ambiance est bien retranscrite et laisse un sentiment étouffant au lecteur… « Rose sparadrap » a pour point commun d’amener une boule au ventre durant la lecture, car cette nouvelle aborde un sujet difficile : le viol répété d’un enfant et les séquelles psychologiques qui en découlent. Ici, la narration se veut volontairement floue, enfantine et douce… On met un certain temps avant de réaliser qui est ce fameux croque-mitaine et où veut en venir la petite fille dont les anges hurlent dans sa tête ! C’est clairement un texte dérangeant, révoltant et laissant un goût amer dans la bouche. « Le jardin des étoiles » fut une petite pépite : j’ai aimé l’innocence de cet enfant s’attachant à l’espoir de revoir son père monté au ciel. Malgré le drame, l’image est à la fois douce et poétique…

J’ai eu un peu plus de mal à rentrer dans le récit de « Macadam », qui met en scène Mathilde, une jeune femme travaillant dans une gare de péage et séduisant les automobilistes qui s’arrêtent à sa caisse. En revanche, la chute m’a fait changer d’avis, car c’était original et bien pensé. Ce revirement d’appréciation a fonctionné avec les péripéties de Mathilde, mais pas avec celles d’Yvan dans « Menu à la carte ». Je me suis longuement demandée où l’auteur voulait en venir avec cet adulte traumatisé par son père durant sa jeunesse… Ce dernier a forcé son fils à manger de la viande… sauf que cette chair était toujours celle du bétail auquel son fils s’attachait, comme cela a été le cas avec un petit lapin albinos. Les descriptions étaient assez sanglantes et rebutantes, mais c’est une bonne chose, car cela permet de bien comprendre l’horreur ressentie par Yvan. En revanche, à l’inverse de « Macadam », le dénouement s’est révélé trop rapide et décevant. J’aimais l’idée cependant, tout s’est joué en quelques lignes.

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Les autres écrits ne m’ont pas laissé une grande impression… « In nomine Tetris » mettant en scène un curé jouant à Tetris en douce dans le confessionnal est aussi atypique que sympathique toutefois, il n’apporte rien de plus… « Mosquito » m’a laissé de marbre : je me demandais où Jean-Paul Didierlaurent allait aller avec cet homme travaillant dans une arène où est mort un toréador… Et je n’ai pas spécialement été conquise par le résultat. « Le vieux » et « Temps mort » ont pour point commun une personne âgée en narrateur cependant, ils ne m’ont pas plu. Enfin, il y a « Sanctuaire », une nouvelle qui m’a déçue, non pas en raison de l’histoire, mais à cause des autres œuvres de l’auteur. Cela m’a rappelé « Le liseur du 6h27 », puisqu’il met en avant une « dame pipi » avec une personnalité pétillante. J’ai trouvé que cela faisait redite. Or, j’attendais de la nouveauté et des thèmes pas encore abordés…

Ce livre comporte donc quelques belles surprises ainsi que des textes moins bons. C’est le souci des nouvelles : il y en a forcément pour tous les goûts et il est rare que l’on apprécie tout ! Ainsi, mon avis est purement personnel et, après avoir échangé avec les lecteurs de la médiathèque, j’ai pu voir que chacun avait une nouvelle qui lui plaisait davantage que d’autres ou qui « lui parlait plus ». Les préférences ne s’orientaient pas souvent vers les mêmes textes, ce qui prouve que le ressenti est vraiment propre à chacun. Quoi qu’il en soit, j’ai remarqué que tous les écrits avaient pour point commun le fait de mettre en scène un traumatisme : deuil, souvenir d’enfance, blessure physique, mal-être au quotidien, etc. Cela rend le recueil assez fort émotionnellement. Si le genre vous plaît, je vous invite à découvrir ces petites mises en bouche…

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Citations

Il était à l’image de ces vieux toubibs de campagne qui reçoivent leurs patients une fois par mois au moment du renouvellement de leurs ordonnances. Une formalité, sauf qu’en lieu et place de cholestérol, de diabète, d’arythmie ou de rhumatismes, il lui fallait, après examen de conscience, combattre luxure, avarice, envie, orgueil et autres pathologies de l’âme à coups d’absolution.
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La nuit, tous les vins sont gris.
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La guerre l’avait finalement recraché parmi les siens, décharné et mutique. Il était rentré au pays amputé d’une partie de son esprit, comme d’autres étaient revenus sans bras ou sans jambes, avec la certitude que le morceau manquant de son âme était resté là-bas, au cœur de cette forêt, captif de l’entrelacs de racines.
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Une pilule rose pour la tension, une blanche pour la thyroïde et une bleu clair pour je ne sais plus quelle autre malédiction que la vieillesse a inventée pour nous égayer l’existence. Certains ici ont droit à toutes les couleurs de l’arc-en-ciel et passent plus de temps à ingurgiter la ribambelle de cachetons posés devant eux que la tranche de pain tartinée avec l’ersatz pâlot à zéro pour cent de matières grasses qui tente de se faire passer pour du beurre ! Ici, tout est à zéro pour cent. Ils veulent que l’on meure en bonne santé.

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Ma note

3,5/5

13 réflexions au sujet de « « Macadam » de Jean-Paul Didierlaurent »

  1. Connaissant ton peu d’appétence pour le format nouvelle, cela rend tes appréciations positives pour certaines d’entre elles plutôt encourageantes ! Les sujets abordés ont l’air vraiment difficiles notamment celui du viol répété dans Rose sparadrap bien que l’apport de la métaphore permet peut-être de temporiser le choc de la compréhension…
    Je ne suis pas certaine d’avoir la force émotionnelle de lire le recueil d’une traite, mais peut-être qu’en piochant un texte de temps en temps…

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  2. Ce n’est pas mon genre habituel non plus (comme tu commences à le savoir^^) mais je pense qu’en effet dans un recueil avec plusieurs auteurs, il est difficile de tout aimer 🙂 C’est logique que certains textes te parlent plus que d’autres et c’est déjà bien si certains t’ont autant plu 🙂

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