Fantastique/Fantasy·Young adult

« Rouge » de Pascaline Nolot #plib2021

emilie Un avis de Saiwhisper

Titre : « Rouge »
Auteur : Pascaline Nolot
Genre : Fantastique / Conte revisité / Young Adult

Éditeur : Gulf Stream
#ISBN9782354887858

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résumé du livre

Accroché au versant du mont Gris et cerné par Bois-Sombre se trouve Malombre, hameau battu par les vents et la complainte des loups. C’est là que survit Rouge, rejetée à cause d’une particularité physique. Rares sont ceux qui, comme le père François, éprouvent de la compassion à son égard. Car on raconte qu’il ne faut en aucun cas toucher la jeune fille sous peine de finir comme elle : marqué par le Mal. Lorsque survient son premier sang, les villageois sont soulagés de la voir partir, conformément au pacte maudit qui pèse sur eux. Comme tant d’autres jeunes filles de Malombre avant elle, celle que tous surnomment la Cramoisie doit s’engager dans les bois afin d’y rejoindre l’inquiétante Grand-Mère. Est-ce son salut ou un sort pire que la mort qui attend Rouge ? Nul ne s’en préoccupe et nul ne le sait, car aucune bannie n’est jamais revenue…

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Ma critique

Rouge comme l’amour, car j’ai apprécié cet ouvrage revisitant le conte du Petit Chaperon Rouge. J’avais entendu du bien de ce livre et, curieuse, j’ai souhaité découvrir cette adaptation sombre, engagée et insolite. Pascaline Nolot fait de nombreux clins d’œil à l’œuvre originelle, reprenant par exemple l’idée de manteau écarlate, mais recouvrant ici la peau de la petite fille, la forêt dangereuse, le loup, le panier de victuailles à ramener, la Grand-Mère et le Chasseur. On notera également d’autres éléments, comme un miroir magique, qui rappellent d’autres contes classiques. Cette réécriture libre n’a cependant rien de beau : ce qu’il arrive à la demoiselle est éprouvant, tandis que les personnages sont généralement laids à l’intérieur, individualistes, violents, haineux et vils. Certes, certains d’entre eux ont un doux visage toutefois, cette histoire prouve bien qu’il ne faut jamais se fier aux apparences…

Rouge de colère. Tel a été mon sentiment face au comportement des habitants de Malombre. Ces derniers vont faire vivre un enfer à Rouge, l’héroïne. Car, dans cette bourgade, les superstitions sont légion : cette tache vermeil qui défigure la jeune fille fait peur. Elle incarne le Malin ! Quiconque la touchera recevra le châtiment divin ! Cette tache de vin va rendre la vie dure à Rouge qui, en plus de vivre à l’écart ou d’être rejetée, va alors se voir subir toute sorte de sévices aussi bien physiques que psychologiques. Pourtant, malgré les humiliations ainsi que les violences quotidiennes, l’adolescente va tout de même se montrer courageuse. Elle reste dotée d’un caractère fort et ose parfois se rebeller, en particulier aux côtés de Liénor, son seul ami (mais qui n’ose pas la toucher non plus). Rouge vit tout de même un véritable vide affectif, d’autant plus que son père la repousse et que sa mère, accusée d’être folle et d’avoir forniqué avec le diable, est morte. C’est dur… On ressent de l’empathie pour elle… Cela n’arrêtera pas l’héroïne qui, après le premier tiers du livre, va devoir quitter son village pour aller dans les bois. Elle en profitera alors pour enquêter sur ses origines, en particulier sur sa génitrice. J’avoue que la demoiselle m’a impressionnée ! Malgré son côté parfois ingénu, elle est très débrouillarde, réfléchie, brave et entière. Les sévices ne l’ont rendue que plus forte.

Alerte Rouge ! Les aventures de cette jeune paria sont immersives. La plume fluide, travaillée et poétique de l’auteure est très agréable. En dépit du quotidien révoltant de Rouge, on se sent bien dans ce conte. On a envie d’en savoir plus, en particulier sur la face cachée des citoyens. Car, en plus de se ranger aux côtés de la bannie, la narration va parfois faire des flash-back en se plaçant du côté des personnages secondaires comme le Père François, le géniteur Gauvain, Liénor, la mère de celui-ci, la Grand-Mère, etc. On se rend alors compte que, le véritable monstre n’est pas cette fille démoniaque, mais plutôt son entourage aux multiples secrets… Les Hommes sont généralement des êtres ignobles, superficiels, égoïstes, dangereux et retors : ils suivent leur plaisir, ignorant la souffrance engendrée, notamment des Femmes qui sont souvent abusées… Certains individus m’ont plus marqué que d’autres, en particulier le prêtre ou la sorcière. Cette dernière est, certes, cruelle comme les autres toutefois, elle demeure une personne lucide, franche et intéressante ! J’ai adoré son rôle dans l’intrigue.

Rouge de honte, car je n’ai pas vu venir toutes les révélations ! Si j’ai saisi les cachoteries de la plupart des habitants, je ne pensais pas que l’épilogue m’offrirait une telle claque ! Quelle chouette surprise ! Pascaline Nolot m’a bien eue. « Rouge » fait partie du PLIB et je compte bien l’ajouter à mes 25 titres sélectionnés ! Cette œuvre a tout a fait sa place car, en plus de proposer un univers fantastique sombre et original, elle aborde une pluie de thématiques actuelles… N’hésitez pas à découvrir les péripéties de cette rougeaude au cœur sincère et vaillant !

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Citations

Désolée, petite vermeille, tes espoirs naïfs demeureront inassouvis. Il n’y a rien de tout cela en toi : pas de prophétie, pas de magie. Ni noire, ni blanche. Ni même rouge. Par le Mal ou par le Bien, tu n’as pas été choisie. Tu es juste…toi. Avec tout ce que tu as dû supporter pour survivre jusque-là, je comprends que cela ne te plaise pas. Néanmoins, c’est ainsi. Il n’y a rien de particulier dans tes stigmates écarlates, hormis le fait que chacun les voit comme une abomination.

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Rouge. Les babines se teintèrent d’écarlate tandis que les crocs lacéraient la viande. Enragées par les gerbes de sang qui jaillissaient des chairs à vif, les mâchoires broyaient les os sans pitié et les panses affamées se gavaient. Des lambeaux de tissu maculés d’un vermeil poisseux gisaient dans la neige. Les pans d’étoffe arrachés dévoilaient le corps nu d’une personne encapuchonnée étendue au sol. Pieds et poings liés. Impuissante. Mais encore consciente. Mordue par le froid et les prédateurs, elle n’était plus que brûlure et douleur. Au-dessus d’elle, le ciel nocturne versait des larmes glacées.

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À vouloir toujours déceler le meilleur en chacun, il avait été incapable de voir le Mal en son prochain.

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Dès qu’ils t’ont regardée, les gens ont eu peur de ta différence. Avant cela, pour le même motif, ils avaient tremblé devant ta mère devenue aliénée. Aucune de vous deux ne correspondait aux critères de cette chose contraignante que l’on nomme normalité… Alors ils ont inventé toutes ces histoires à faire peur, ces boniments à propos d’œuvre de Satan et de contagion de couleur, afin de se donner bonne conscience et d’excuser leur haine. Mais rien de tout cela n’est vrai ! Tu as beau renâcler, je suis sûre que dans tes tripes, tu le ressens. Tu le sais ! Et si cela te semble difficile à avaler, rappelle-toi mon histoire. S’il y a bien une chose qu’elle m’a enseignée, c’est que la destinée est une garce patentée… Néanmoins, tu peux te consoler : même sans ta teinte hideuse, les villageois auraient sans doute usé d’une autre allégation pour te rejeter. « La fille de la folle », je parie que c’est un mobile de détestation dont ils se seraient contentés, toute pimpante et diaphane aurais-tu été !

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Ma note

♥♥♥♥ 4/5

 

13 réflexions au sujet de « « Rouge » de Pascaline Nolot #plib2021 »

  1. Ravie de voir que ton avis est aussi positif que ceux que j’ai pu lire sur cette réécriture de conte qui semble vraiment sombre, mais finalement pas si éloignée de certaines réalités historiques, notamment sur la violence des hommes et les superstitions ridicules poussant à ostraciser et violenter certaines femmes…
    Et j’ai beaucoup aimé ta manière de t’approprier le mot rouge pour souligner les grandes étapes de ton avis et tes différents ressentis !

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