Un avis de Saiwhisper
Titre : « Le Berger »
Auteur : Anne Boquel
Genre : Roman contemporain / Drame
Éditeur : Seuil
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Lucie est conservatrice d’un petit musée de l’Oise. Rien ne va vraiment mal dans sa vie, rien ne va vraiment bien non plus. Le jour où une amie l’embarque dans un groupe de prière, son existence prend une couleur plus joyeuse. Elle se sent revivre. D’autant que le Berger et maître à penser de la communauté lui fait intégrer le cercle restreint des initiés. Sans le mesurer, elle consacre bientôt toute son énergie à la Fraternité, négligeant son entourage. L’incompréhension gagne ses proches, qui, désarmés, la voient s’éloigner d’eux. Mais, lorsqu’ils s’en inquiètent, leurs questions se heurtent au silence. Dans son désordre enfiévré, jusqu’où Lucie poussera-t-elle le zèle ?
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Regardez, mes sœurs et mes frères, le récit de Lucie qui a osé raconter ce qu’elle a vécu à nos côtés. Des fabulations ! Cette pécheresse a osé tourner le dos au Seigneur : elle a parlé de ses tourments, de ses doutes, de sa douleur aussi bien physique que psychologique, de sa descente aux Enfers. Cette vipère a ouvertement critiqué la Fraternité ! Mensonges ! Agnès, Olivier, Christelle, Mariette. Avancez-vous… Venez… Venez à moi… Oui… C’est moi. Thierry. Je suis le Berger. Je suis là pour vous guider sur Sa voie… Ne vous détournez pas. Concentrez-vous sur moi. Surtout, n’écoutez surtout pas l’avis d’Emilie. Elle ne nous comprend pas. Elle ignore tout de Nous… Et pourtant, la voilà qui s’apprête à répandre son venin en donnant son avis sur notre ancienne petite-sœur…
Dans ce premier roman écrit en solo, Anne Boquel va narrer l’histoire de Lucie, une jeune femme qui va progressivement se faire endoctriner par une secte. Pourtant athée et très méfiante, la belle employée d’un musée d’art religieux va tout de même céder petit à petit à cette terrifiante Fraternité. Il faut avouer que celle-ci répondra à un besoin affectif. En effet, là-bas, elle va trouver des personnes répondant à sa solitude. Des individus aussi perdus qu’elle. Or, ces étrangers vont faire attention à elle et vont lui faire oublier son impression de mal-être, d’échec et d’inutilité permanente. Avec eux, elle va se sentir revivre : elle va trouver une raison de se lever le matin, puis va avoir la sensation d’embrasser une bonne cause. Bien que le scénario soit cousu de fil blanc, on suit avec émoi, regret et fascination cette héroïne se faire séduire, persuader, puis sombrer au fil des chapitres. Ce changement psychologique est effrayant, mais implacable… L’emprise de Thierry, ce gourou manipulateur, est incroyable ! Quel puissant orateur… Aurait-elle pu y résister ? Comment peut-on se laisser avoir de la sorte ? Est-il réellement probable qu’une personne athée cède à la foi de la sorte ? Les proches de la demoiselle n’auraient-ils pas pu la soutenir davantage ? Comment aurait-on réagi à sa place ? Voilà une lecture qui pousse à la réflexion.
Rares sont les ouvrages abordant les sectes de l’intérieur. D’autant plus que c’est un sujet délicat… L’auteure s’est pourtant bien débrouillée grâce à une plume fluide, sobre et lancinante. Bien que j’aie ressenti plusieurs longueurs au fil du récit, le rythme lent colle bien à l’ambiance de l’ouvrage. S’il y avait eu plus d’action, je n’aurais pas trouvé cette mésaventure crédible… Chaque geste ou mot a son importance. Bout à bout, ces petits éléments saboteront progressivement la pauvre Lucie… L’endoctrinement se fait doucement, de façon progressive et réaliste. Cela dit, en raison de sa personnalité finalement très banale (sans doute pour montrer que n’importe qui peut céder à un gourou), j’avoue ne pas m’être attachée au personnage principal. Je trouvais la jeune conservatrice très passive, renfermée et trop paisible. Toutefois, cela ne m’a pas empêchée de ressentir de la peine pour elle, notamment dans le dernier tiers où elle va réaliser dans quel filet elle est désormais captive.
« Le Berger » est une fiction qui met en lumière le danger des communautés sectaires, les méthodes d’endoctrinement ainsi que le péril que peuvent encourir les proies « vulnérables ». Une lecture qui fut à la fois intéressante et oppressante. Cela dit, j’aurais souhaité être un peu plus surprise… Ne serait-ce que par la fin ? Il n’empêche que c’est un bon premier roman bien écrit. Merci à Babelio et aux éditions Seuil pour cette découverte. Si le sujet des sectes vous intéresse, je vous recommande « Par le feu » de Will Hill qui traite avec brio la thématique, tout en donnant une belle place à « l’après » et aux victimes qui tentent de revenir à une vie normale…
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Là-bas, il y avait toujours des choses qu’on ne disait pas, tout simplement parce qu’on ne pouvait pas les dire : elles vous dépassaient.
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Il y avait longtemps, longtemps qu’on ne l’avait plus regardée comme une personne digne d’intérêt.
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Le caractère répétitif, presque hynoptique du discours délivré par le Berger le rendait très simple à saisir.
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Ici, les choses se disaient, simplement, naïvement peut-être, mais dépouillés de cette gangue d’amour-propre qui pourrissait tout.
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♥♥♥ 3,5/5
C’est bien, je trouve, des romans qui alertent sur ces dérives !
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Je partage votre avis. Un roman nécessaire car il décrit très bien à la fois la vulnérabilité et l’endoctrinement mais sans vrai surprise. Je mets un lien vers votre blog sur l’article de ma chronique.
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Je suis rassurée de voir que nos avis sont similaires. De ce que j’ai lu sur Babelio, personne ne trouvait le scénario assez convenu (bien que crédible et pertinent). Donc je suis ravie de ne plus être la seule !
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