Un avis de Saiwhisper
Titre : « Le bal des folles »
Auteur : Victoria Mas
Genre : Roman historique / Fantastique
Éditeur : Albin Michel
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Chaque année, à la mi-carême, se tient un très étrange Bal des Folles. Le temps d’une soirée, le Tout-Paris s’encanaille sur des airs de valse et de polka en compagnie de femmes déguisées en colombines, gitanes, zouaves et autres mousquetaires. Réparti sur deux salles – d’un côté les idiotes et les épileptiques ; de l’autre les hystériques, les folles et les maniaques – ce bal est en réalité l’une des dernières expérimentations de Charcot, désireux de faire des malades de la Salpêtrière des femmes comme les autres. Parmi elles, Eugénie, Louise et Geneviève, dont Victoria Mas retrace le parcours heurté, dans ce premier roman qui met à nu la condition féminine au XIXe siècle.
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Lorsqu’on lit les différentes chroniques de « La salle de bal », on voit souvent les lecteurs comparer cette lecture avec « Le bal des folles ». Pour ma part, j’avais découvert le premier dans le club des lecteurs. Poussée par la curiosité, j’avais lu le second en diagonale afin de comparer. Comme je l’avais réellement survolé dans ses grandes lignes, je m’étais promis de le lire complètement un jour. C’est à présent chose faite ! Et je ne regrette pas cette décision : l’œuvre de Victoria Mas est aussi intéressante qu’originale. Certes, elle n’est pas parfaite cependant, j’ai passé un bon moment dans son ensemble.
Comme dans l’ouvrage d’Anna Hope, le récit va se dérouler en huis-clos, dans un hôpital psychiatrique. Une fois encore, on va faire la rencontre de portraits intrigants, forts et touchants. Ici, il s’agira principalement de femmes qui n’ont vraiment rien à faire en ces lieux, car elles sont loin d’être folles ! Beaucoup sont simplement des demoiselles dont on a abusé sexuellement, qui ont été victimes d’un traumatisme ou qui ont donné tort à certains hommes de leur entourage. Pour les punir, ces messieurs les ont jetées entre ces murs en les prétextant démentes… Comment rester de marbre face à ces injustices ? En ce qui me concerne, j’ai été bouleversée par le destin cruel de ces fausses déviantes… Ce n’est pas la première fois que je dois faire face à ce genre de personnages incompris. Nul doute qu’il ne valait mieux pas appartenir au « sexe faible » à cette époque… C’est tout simplement effrayant et rageant !
La narration sera principalement tournée vers Louise (une pensionnaire amoureuse de Jules, un interne), Geneviève (l’intendante infirmière) et Eugénie (une nouvelle arrivante qui voit des fantômes). Rapidement, le cas d’Eugénie soulève des questions parmi les différents protagonistes ainsi que chez le lecteur : la jeune femme voit-elle réellement des spectres ou bien fabule-t-elle ? Comment se fait-elle qu’elle réussisse à communiquer avec les morts de la sorte ? Quelle sorcellerie pratique-t-elle pour retrouver des objets cachés ou comprendre ce qu’il se passe à des kilomètres de là où elle se trouve ? Pour ma part, j’ai apprécié cette petite touche de surnaturel. Cela apporte une touche de mystère. D’ailleurs, j’aurais même aimé qu’on développe davantage cette ambiance occulte pleine de potentiel ! Geneviève est également une héroïne qui m’a intéressée. En effet, la geôlière chargée de veiller et de soigner ses patientes va se poser les bonnes questions. En plus d’avoir un rôle pertinent, son évolution m’a totalement captivée. Quelle femme incroyable ! Je ne pensais pas que les choses iraient ainsi pour elle ! Cette vaillante travailleuse permet également de faire le tampon entre deux visions de l’époque (l’admiration professionnelle et l’effroi des victimes) des pratiques scientifiques révoltantes et souvent pratiquées à la fin du XIXème siècle, ce qui est très intéressant.
Envoûtée, j’ai virevolté aux côtés de ces dames humiliées et condamnées à la solitude. Quel livre fluide, agréable, bien documenté et rapide à lire ! Je comprends son succès ! Cela dit, j’ai tout de même distingué plusieurs défauts m’ayant chagrinée. Tout d’abord, il y a la fin que j’ai jugée rapide, abrupte et trop ouverte. Heureusement que l’épilogue apportait un minimum d’informations sur le devenir d’une poignée de personnages ! Hélas, cela n’est pas suffisant pour moi… On aurait clairement étoffer davantage les derniers rebondissements ou mieux développer la fin… Par rapport à « La salle de bal », j’ai également trouvé l’intrigue un peu moins riche. On reste trop en surface et certaines trames sont volontairement un peu floues. L’autrice aurait pu bien mieux décrire le quotidien des résidentes ou d’autres soins… C’est dommage ! J’ignore si mon ressenti aurait été différent si j’avais attaqué la publication d’Anna Hope après celle-ci… C’est bien possible ! En tout cas, les deux titres sont vraiment différents, même si le contexte historique, le lieu et les conditions sont les mêmes. Voilà deux œuvres à découvrir !
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Il existe peu de sentiments plus douloureux que de voir ses parents vieillir. Constater que cette force, jadis incarnée par ces figures que l’on pensait immortelles, vient d’être remplacée par une fragilité irréversible.
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Entre ces murs où l’on attend d’être vue par un médecin, le temps est l’ennemi fondamental. Il fait jaillir les pensées refoulées, rameute les souvenirs, soulève les angoisses, appelle les regrets – et ce temps, dont on ignore s’il prendra un jour fin, est plus redouté que les maux mêmes dont on souffre.
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Libres ou enfermées, en fin de compte, les femmes n’étaient en sécurité nulle part.
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La maladie déshumanise ; elle fait de ces femmes des marionnettes à la merci de symptômes grotesques, des poupées molles entre les mains de médecins qui les manipulent et les examinent sous tous les plis de leur peau, des bêtes curieuses qui ne suscitent qu’un intérêt clinique.
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Maintenant que je sais qu’il va être adapté en film, j’ai un peu la flemme de le lire alors qu’il me tente beaucoup depuis sa sortie ><
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xD Je peux comprendre ! Ca ira « plus vite » un film qu’un livre.
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J’avais déjà vu un film sur ces arrestations injustes et arbitraires, c’est révoltant !
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Oh, c’était quoi ? -si tu t’en souviens- ça m’intéresse.
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C’était « l’échange » avec Angelina Jolie. Superbe film, d’ailleurs !
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Merci du conseil ! ❤
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Je l’ai vraiment adoré, mais je partage assez tes réserves sur la fin et peut-être un certain manque de profondeur. Quant à la touche de surnaturel, ça m’a assez déstabilisée parce que j’ai eu le sentiment d’une idée pas exploitée jusqu’au bout. Par contre, j’ai, comme toi, apprécié l’évolution de Geneviève.
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Je suis d’accord avec toi vis à vis de l’aspect imaginaire qui aurait pu être poussé davantage ! Et qui intrigue… C’est pour cela qu’une « fin » dédiée à l’héroïne et son frère aurait été la bienvenue…
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Les femmes et la psychiatrie c’est une histoire terrible! Les abus et internements pour toutes les raisons possibles sauf la santé mentale de la concernée… c’est si révoltant!
C’est intéressant de voir ta comparaison entre 2 titres qui aborde le même sujet, je ne sais pas si je me lancerai dans ce type d’histoire, mais je les note quand même. J’ai bien envie de me faire un avis dessus aussi 🙂
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