Littérature jeunesse

« Harceler n’est pas jouer » de Delphine Pessin

emilie Un avis de Saiwhisper

Titre : « Harceler n’est pas jouer »
Auteur : Delphine Pessin
Genre : Roman jeunesse – ado
Éditeur : Alice

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résumé du livre

Léonie est invitée, comme tous les autres élèves de CM1, à l’anniversaire d’Estelle, nouvellement arrivée dans la classe et qui a déjà beaucoup de succès; Le lendemain, Estelle envoie une photo de la fête pour remercier la classe d’y être venue. Très vite, on remarque que Léonie n’est pas très à son avantage sur cette photo où on la voit mordre à pleines dents dans une part de gâteau. Ce qui commence comme une taquinerie innocente va très vite tourner au cauchemar. Estelle avec d’autres élèves vont se moquer quotidiennement de Léonie, se débrouiller pour lui gâcher son déjeuner ou encore la pincer au point de lui faire des bleus. Léonie tente par son attitude discrète de désamorcer la situation, mais cela ne fait qu’empirer. Ses amis, Louise, Emma et Oscar, décident qu’il faut agir. Mais il faudra encore l’intervention d’une infirmière et de son invitée, une jeune femme victime de harcèlement scolaire, pour que Estelle et les autres comprennent la gravité de leurs gestes.

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Ma critique

71ijo-g98qlComme l’indique son titre, ce roman jeunesse-ado va aborder le harcèlement. On ne sera pas sur la thématique des réseaux sociaux, mais plutôt sur un milieu scolaire où Estelle, une petite peste, va prendre Léonie pour cible. L’histoire commence de façon assez banale : toute la classe a été invitée à la fête d’anniversaire d’Estelle. Comme tous les autres, Léonie a mangé du gâteau, s’est amusée et a offert un cadeau. À première vue, Léonie n’a pas de physique disgracieux et possède une belle personnalité créative, patiente, joviale, sensible et dynamique. Certes, elle est un peu gourmande, mais ce n’est pas non plus un drame ! Elle est d’ailleurs très douée pour faire de la pâtisserie, pour le plus grand plaisir de ses parents. C’est intelligent d’avoir débuté son récit de la sorte et d’avoir brossé le portrait naturel d’une héroïne presque comme tout le monde. Les jeunes lecteurs s’identifieront aisément. Ils pourront également comprendre que cela arrive à n’importe qui. La plupart des enfants vont à des anniversaires. Léonie n’a pas cherché à se faire remarquer ou à embêter Estelle. C’est cette dernière qui l’a attaqué gratuitement.

Très vite, la « petite moquerie » d’Estelle devient la plaisanterie du moment. Comme souvent, la « blague » vicieuse prend de l’ampleur : on touche un enfant puis, au fil des jours, d’autres garnements prennent part à la fête. La pauvre Léonie va faire les frais de ce harcèlement moral grandissant, terrible, révoltant et injustifié. Encore une fois, Delphine Pessin a su judicieusement choisir des exemples communs, comme les petits mots qui circulent en classe, les chamailleries à la récréation, les témoins qui ignorent le problème, les amies qui hésitent à prendre parti, les surveillants ou les enseignants qui ne remarquent rien, l’isolement progressif, etc. L’ensemble du texte sonne juste et crédible. Pour ma part, j’ai ressenti beaucoup d’empathie et de peine pour la jeune héroïne dont les émotions sont bien retranscrites. Bien que caricaturale, Estelle a su me révulser. Cette fourbe ne cesse de revenir à la charge, cumule les actes mesquins et joue la carte de l’intimidation. Pire : elle retourne le problème en affirmant que Léonie se victimise…

Je n’ai pas pu dissimuler mon émoi face à la surnommée « Bugs Bunny » qui, peu à peu, sombre dans la spirale de la dépression, l’angoisse, la peur et la solitude. Des moments aussi forts que touchants ! La plupart des lecteurs ne restera pas de marbre… En tant qu’adulte, j’ai aimé le fait que l’équipe scolaire et les parents finissent par avoir écho du problème… Et agissent ! Car, que ce soit dans la fiction ou dans la vraie vie, l’issue n’est pas toujours la même… De ce fait, c’est rassurant de voir l’infirmière, la maîtresse et la famille se mobiliser dans l’ombre, sans pour autant brusquer les choses. Le désamorçage du problème va se faire de manière intelligente, notamment à travers l’intervention d’une victime de harcèlement. Ce passage était très intéressant et permettra aux jeunes lecteurs (qu’ils soient eux-mêmes victimes ou des témoins n’ayant pas voulu agir) de réfléchir sur le sujet. Derrière la fiction se cachent des témoignages, quelques clefs pour essayer de s’en sortir, des conseils à adopter, des explications sur le harcèlement et les peines encourues pour les harceleurs et/ou leurs proches. C’est assez complet !

Malgré ses beaux atouts, je reconnais avoir quelques réserves. En effet, pour avoir vécu ce genre de situation et lu beaucoup d’ouvrages abordant ces thématiques, j’ai trouvé que c’était assez classique. Certes, c’est bien écrit, abordable et sensible, mais on n’innove pas le genre. Il me manque un petit quelque chose qui le différencie des nombreux écrits sur le harcèlement. En outre, on reste sur un dénouement très positif où adultes comme enfants se mobilisent pour faire changer les choses. C’est très bien de proposer un message optimiste toutefois, j’aurais souhaité que l’on rappelle que ce n’est pas toujours le cas… Et que, parfois, malgré les interventions des adultes, le fléau ne s’arrête pas pour autant… Notamment avec les réseaux sociaux qui élargissent le problème et qu’il est difficile de gérer ! Cela dit, ce sont des remarques personnelles. Le sujet du harcèlement est très important. Il est primordial d’en parler, car ces brimades commencent parfois très tôt ! (Parfois dès la MATERNELLE !!!) Il est essentiel de sensibiliser le jeune lectorat et de susciter le débat. « Harceler n’est pas jouer » est un outil idéal pour y parvenir.

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Citations

J’avais soigneusement choisi ma tenue : une jupe en jean et mon T-shirt préféré, le bleu ciel à rayures blanches. Selon maman, il fait ressortir la couleur de mes yeux. Je ne sais pas si elle a raison, c’est bien connu que les mères ne sont jamais objectives.
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C’est du harcèlement. Il n’y a pas de petites blagues. Et un jeu qui fait du mal n’est pas un jeu.
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– Regarde, a-t-elle fait en pointant du doigt une fille au sourire d’acier.
J’ai contemplé le cliché, abasourdie. Cette fille était mignonne, mais, avec cet appareil, c’est vrai que l’effet n’était pas terrible. Maman a commenté :
– Un garçon m’avait surnommée « SNCF », tu imagines…
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J’ai fait semblant de ne rien avoir entendu. J’ai continué tout droit jusqu’au banc sous le préau et je m’y suis installée. Mes oreilles bourdonnaient du rire des autres.
Bientôt, ce banc et moi, on allait être inséparables.

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Ma note

4/5

11 réflexions au sujet de « « Harceler n’est pas jouer » de Delphine Pessin »

  1. Totalement d’accord avec toin sensibiliser au harcèlement est crucial et la fin n’est pas toujours aussi positive comme on s’en hélas parfois compte dans la rubrique fait divers…
    Mon propre vécu face à cela est l’indifférence des adultes qui font semblant de s’en soucier avant de passer à autre chose rapidement.
    Je suis contente de voir que le sujet est de plus en plus public et que de nombreux adultes se saisissent du sujet pour lutter contre ce fléau.

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    1. Oui, j’ai pensé justement aux nombreux suicides que l’on voit dans les faits divers…
      Je comprends que tu aies un goût amer ! D’ailleurs, c’est assez rare en littérature de voir les adultes indifférents ou qui s’en soucient peu… Alors que ça arrive aussi !
      Je suis totalement d’accord avec toi !

      Aimé par 1 personne

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