Romans

« Milwaukee Blues » de Louis-Philippe Dalembert

emilie Un avis de Saiwhisper

Titre : « Milwaukee Blues »
Auteur : Louis-Philippe Dalembert
Genre : Roman contemporain / Témoignage
Éditeur : Sabine Wespieser

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résumé du livre

Depuis qu’il a composé le 911, le gérant pakistanais de la supérette de Franklin Heights, un quartier au nord de Milwaukee, ne dort plus : ses cauchemars sont habités de visages noirs hurlant « Je ne peux plus respirer ». Jamais il n’aurait dû appeler la police pour le billet de banque suspect que lui a tendu dans la pénombre un type grand et baraqué pour régler son paquet de cigarettes, même si c’est la loi. S’il avait pris le temps de réfléchir, et s’il avait reconnu l’ancienne gloire locale du football américain, il se serait évidemment abstenu. La règle, quand on est musulman, et pas dupe de ce qui se passe entre la police et les noirs, c’est plutôt de ne pas s’attirer d’ennuis. Mais il est trop tard, et c’est par les médias du monde entier que lui a été révélée l’identité de son client de passage, de même que les détails de sa mort atroce, étouffé par le genou d’un flic à la tête de Kojak.

La figure d’Emmett, l’homme assassiné, va se dessiner à travers les différentes voix qui s’élèvent tour à tour, succédant au monologue tourmenté du commerçant. Son ancienne maîtresse d’école, accablée en apprenant le décès d’une nouvelle victime de la violence policière et raciste, reconnaît avec stupeur dans le visage apparu à l’écran les traits du gamin grassouillet et empoté qu’elle avait pris sous son aile. Il l’avait vite attendrie, dans cette école du ghetto noir où elle avait préféré enseigner plutôt que dans le quartier propret de ses origines. À quoi ont donc servi tous les combats menés dans les années soixante et soixante-dix ? se demande-t-elle désormais. Authie, l’amie d’enfance d’Emmett, née comme lui en 1975, ainsi que Stokely, le copain dealer, se souviennent du trio inséparable qu’ils formaient – on les appelait les trois mousquetaires – jusqu’à ce qu’Emmett parte étudier ailleurs. Enfant élevé par une mère très pieuse, après que le père, chassé par la désindustrialisation, eut quitté la ville pour ne plus y revenir, il n’a jamais cédé à l’argent facile, malgré les difficultés matérielles. Bon gars, dont Authie – qu’il surnommait « Shorty », sa sister – a toujours été un peu amoureuse, il filait droit, tout à sa passion pour le football.

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Ma critique

couv70189192Malgré ses nombreux écrits, ce fut une première fois avec Louis-Philippe Dalembert ! Or, celui-ci va s’attaquer à un sujet sensible auquel il est impensable de rester de marbre… Pour cela, l’auteur va faire écho à un événement dramatique qui a ébranlé le monde : le meurtre de George Floyd. Attention, il ne s’agit pas d’une biographie. On peut y voir un hommage poignant à George Floyd ainsi qu’aux victimes de « bavures policières » néanmoins, cela reste une fiction inspirée de la réalité, qui va permettre de brasser plusieurs thématiques contemporaines.

Dans son roman choral, Louis-Philippe Dalembert va brosser le portrait terriblement humain et tout en nuances d’Emmett, un père de famille méritant, qui va périr étouffé sous les gestes d’un policier… Tour à tour, son entourage va prendre la parole. Ainsi, son ancienne maîtresse d’école, sa fiancée, son ex, son coach, son amie d’enfance et son pote dealer vont raconter comment ils ont connu Emmett, ce qu’ils ont vécu ensemble, la manière dont ils percevaient leur relation et ce qu’ils ont ressenti à l’annonce de son décès. Racisme, différences des classes, injustices policières, scolarité, faits de société, religion, extrémisme, réseaux sociaux, etc. Les thèmes abordés seront vastes. Avec sincérité et franchise, chacun mettra en lumière certains points. Nul doute que le contenu fera réfléchir le lecteur.

Honnêtement, j’ai été touchée par le personnage d’Emmett ainsi que par certains narrateurs. Cependant, j’ai eu beaucoup de difficultés avec la dernière partie très portée sur la religion. Même si cela pouvait sembler répétitif, je préférais lorsque chacun donnait son point de vue sur Emmett… Paradoxalement, je ne peux pas non plus dire que je garderais ce titre en mémoire. Certes, il est très intéressant, touchant et bien écrit toutefois, j’ai eu l’impression de lire une biographie romancée, alors que ce n’est pas le cas. J’ai découvert cet ouvrage dans le cadre du travail. Or, si j’ai apprécié sortir de mes habitudes littéraires, j’ai tout de même senti que mes goûts s’orientaient bien plus vers de la fiction moins actuelle… Il n’empêche que ce fut un roman pertinent, utile et bien documenté qui passionnera plus d’un lecteur ! Pour une meilleure immersion, n’hésitez pas à découvrir les références musicales et cinématographiques distillées au fil des chapitres (et listées en fin d’ouvrage !).

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Citations

De fausses informations répétées jusqu’à la nausée finissent par devenir vérité.

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Dès qu’une famille noire arrive dans un quartier blanc, si elle y arrive, les antennes s’affolent, façon têtes de suricates déboussolées, prêtes à sonner l’alerte. Une deuxième, on plie bagages et on déloge à la vitesse grand V, les uns après les autres, pour finir par abandonner le terrain aux nouveaux arrivants.

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Pour ma part, je reste persuadé que femmes et hommes, tous tant que nous sommes, pouvons nous élever au-dessus de notre condition sociale et ethnique pour assumer une humanité pleine et entière, qui va au-delà de ces critères. Autrement, quel sens aurait l’existence ? Surtout pour quelqu’un qui, comme moi, loin de rompre avec son éducation agnostique, s’oriente de plus en plus vers un athéisme qui ne dit pas son nom.

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Dans ce foutu pays d’Amérique, même quand c’est une fac publique, ça n’a jamais de « public » que le nom. À la sortie, tu peux te retrouver endetté pour une, voire deux générations. Comme si t’avais acheté une putain de baraque.

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Ma note

3,5/5

2 réflexions au sujet de « « Milwaukee Blues » de Louis-Philippe Dalembert »

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