Romans

« Où passe l’aiguille » de Véronique Mougin

emilie Un avis de Saiwhisper

Titre : « Où passe l’aiguille »
Auteur : Véronique Mougin
Genre : Roman historique / Biographie
Éditeur : J’ai Lu

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résumé du livre

Et voici Tomas, dit Tomi, gaucher contrariant, tête de mule, impertinent comme dix, débrouillard comme vingt, saisi en 1944 par la déportation dans l’insouciance débridée de son âge, 14 ans. Ce Tom Sawyer juif et hongrois se retrouve dans le trou noir concentrationnaire avec toute sa famille. Affecté à l’atelier de réparation des uniformes rayés alors qu’il ne sait pas enfiler une aiguille, Tomas y découvre le pire de l’homme et son meilleur : les doigts habiles des tailleurs, leurs mains invaincues, refermant les plaies des tissus, résistant à l’anéantissement. À leurs côtés, l’adolescent apprendra le métier. Des confins de l’Europe centrale au sommet de la mode française, de la baraque 5 aux défilés de haute couture, Où passe l’aiguille retrace le voyage de Tomi, sa vie miraculeuse, déviée par l’histoire, sauvée par la beauté, une existence exceptionnelle inspirée d’une histoire vraie.

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Ma critique

Il a eu un sacré parcours de vie, ce Tomi ! Le temps d’un week-end, j’ai pu découvrir ce personnage qui, je l’avoue, m’a d’abord agacée avec son côté rebelle, insolent, irrespectueux, magouilleur, têtu, culotté et espiègle… Puis, au fil de son histoire, je me suis habituée à son tempérament, admirant surtout son courage et son talent dû à un dur labeur et l’envie de survivre… Ce livre, à la fois roman historique et biographie romancée (tirée du passé du cousin de l’auteure), retrace le destin du jeune Tomas/Tomi Kiss, un adolescent juif de 14 ans qui va vivre l’enfer des camps de concentration durant la Seconde Guerre mondiale avec quelques membres de sa famille qu’il va parfois retrouver plus tard, après la Guerre… Du moins, pour ceux qui ont survécu… couv15482079Comme la plupart des ouvrages narrant cette sombre période historique, on va suivre la montée des réactions antisémites, l’arrêt des familles juives, l’envoi dans les camps de travail et/ou de concentration et les conditions de vie inhumaines et les humiliations quotidiennes… Véronique Mougin arrive brillamment à retranscrire ces effroyables moments qu’ont vécus les personnes arrêtées et déportées. De plus, à aucun moment, elle n’a été dans le pathos ou a émis un jugement.

Ce qui change des œuvres parlant de la déportation et de la Shoah, c’est la place qu’a la couture dans le destin de cette famille. Le père de Tomi est tailleur. Par le passé, il avait bien essayé d’enseigner les ficelles du métier à son fils hélas, ce dernier n’a jamais été intéressé… Tous deux n’imaginaient pas que ce goût pour la couture surgirait finalement un jour, dans le camp de Dora. En effet, pour survivre, l’adolescent va faire tout son possible pour intégrer l’équipe en charge des tenues des travailleurs et officiers ! Bien évidemment, on n’apprend pas à coudre sur un coup de tête… Mais Tomi a plus d’un tour dans son sac et va tout faire pour ruser, puis apprendre… De fil en aiguille, le jeune homme va progressivement en faire sa passion, puis son métier, puisque l’on va le suivre au fil des années, jusqu’à ce qu’il devienne quelqu’un dans le monde de la Haute Couture parisienne. Je ne suis pas spécialement sous le charme de cet univers et j’ai ressenti des longueurs dans la dernière partie dédiée à l’Après-guerre néanmoins, j’ai apprécié les mots qu’a employés l’auteure pour décrire ces passages. En outre, c’était la première fois que je lisais quelque chose sur les ateliers de couture dans les camps de concentration. J’ai trouvé cela intéressant…

Entre deux chapitres, Véronique Mougin donne souvent la parole à un personnage secondaire ayant côtoyé le narrateur. Cela peut être ses parents, un voisin, un kapo ou un gradé, un autre détenu, un ami comme le jeune Hugo, etc. Le texte est toujours en italique, ce qui permet au lecteur de ne pas être perdu. J’ai beaucoup apprécié ce changement de narration qui permet vraiment de varier les tons et d’apporter d’autres visions au récit. Ces moments apportent énormément d’émotions… La plume de l’auteure s’est révélée être intéressante, fluide, passionnée, vivante, dure, humoristique par moment et surtout pleine de sentiments. C’était très bien écrit. Le lecteur se glisse aisément aux côtés du petit Tomi avec lequel on va vivre, espérer et souffrir… Ce fut un roman poignant sur la Seconde Guerre mondiale qui mérite d’être découvert et ce, même si on a déjà lu des choses sur le sujet ou que l’on ne s’intéresse pas spécialement à la couture.

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Citations

La faim. Ça commence par un poinçon sous le nombril, une saignée profonde à l’intérieur de soi, ensuite ça se diffuse partout, tes bras, ta tête, même tes mains, ton corps entier hurle et personne ne l’entend.
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Mais sur lui comme sur moi, la guerre n’a pas seulement ripé : elle nous a fendus irrémédiablement et avec l’âge, en secret, nos failles s’agrandissent.
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Les rouleaux de tissu que tu sors devant le client, les mesures, tout ça, ce sont des caresses.
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Je n’ai jamais vu un endroit pareil. Personne n’en a jamais vu, ni même pensé, imaginé ou cauchemardé. C’est une sorte de prison, en bien pire. Un camp de travail, sauf que le travail en question te tue. Un asile de fous tenu par les porcs les plus sadiques que la terre ait portés. Un cauchemar de boue et de planches posé sur une jolie petite colline arborée.
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Ma note

4/5

8 réflexions au sujet de « « Où passe l’aiguille » de Véronique Mougin »

  1. L’ajout de la couture apporte une certaine originalité et le personnage de Tomi semble avoir de la ressource en plus de son talent. Je lis peu de livres autour de ce thème difficile de la Seconde Guerre mondiale et des monstruosités qui ont eu lieu durant cette période noire, mais je note cet ouvrage qui semble t’avoir marquée.

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