Littérature jeunesse·Science Fiction

« Le Garçon et la ville qui ne souriait plus » de David Bry

emilie Un avis de Saiwhisper

Titre : « Le Garçon et la ville qui ne souriait plus »
Auteur : David Bry
Genre : Uchronie / Littérature pour ados
Éditeur : Pocket

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résumé du livre

Romain fuit chaque nuit sa demeure bourgeoise et confortable, pour rejoindre la Cour des Miracles où vivent les anormaux – fous, difformes, obèses, et autres parias parqués là par les Lois de l’Église. Le soir de ses quinze ans, il découvre qu’un terrible complot vise les habitants de la Cour. Des coupe-gorges de Mouffetard aux ruines de Notre-Dame, il devra compter sur son ami Ambroise, sur Joséphine, Lion et Akou, pour lever le voile sur la conjuration et échapper aux terribles Lames Noires, à la solde de l’archevêque de Paris. Dans un monde assombri par la peur et l’intolérance, le salut peut-il venir de quelques adolescents en quête d’amour et de liberté ?

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Ma critique

David Bry est un auteur que j’ai découvert à travers « Que passe l’hiver », un roman dont l’ambiance m’avait séduite, mais où j’étais finalement ressortie mitigée à cause de la quantité impressionnante de personnages. Avec « Le Garçon et la ville qui ne souriait plus », j’espérais ne pas être encore une fois perdue. Heureusement, ce ne fut pas le cas ! David Bry a parfaitement su distiller les informations de son univers, faire découvrir les différents protagonistes et installer son intrigue remplie d’action. couv50680419L’ensemble est fluide, compréhensible et agréable à lire. D’ailleurs, il n’a pas fallu longtemps pour que je rentre dans l’histoire ! Dès les premiers chapitres, j’ai été sous le charme de cette uchronie se déroulant dans un Paris du XIXème où tout est malheureusement uniformisé. En effet, le peuple parisien doit se soumettre à la loi de l’Église : toute personne jugée comme ayant une difformité physique (nanisme, bossu, peau foncée, handicap, etc.) ou mentale (homosexualité, folie, etc.) est considérée comme contre-nature et donc punissable par la loi. Ces « monstres de la société » sont contraints de vivre isolés de tous, sur une île portant le nom de La Cour des Miracles… Le concept est original et n’est pas sans rappeler l’actualité où il est plus que jamais question de tolérance, de différence et de liberté. L’ouvrage pousse donc à la réflexion…

On va suivre les péripéties de Romain, un jeune bourgeois ayant un lourd secret. L’adolescent m’a paru très ingénu cependant, il s’est révélé être courageux, déterminé, brave, gentil et loyal. Il n’a malheureusement pas un quotidien très agréable, notamment à cause de sa famille. Sœur en retrait, père absent, mère terrible et directive, majordome le rossant souvent, … Malgré son statut aisé, le pauvre n’a pas les conditions idéales pour être heureux ! Le seul à le comprendre est son ami Ambroise, avec qui il réalise souvent des escapades nocturnes. Pourtant, Ambroise ne sait pas tout : il ignore que son compagnon se rend régulièrement sur l’île afin de voir les anormaux. L’entourage du héros m’a semblé intéressant toutefois, je regrette qu’on en sache peu sur eux, notamment sur la gent féminine, peu mise en avant dans l’intrigue. Dans la Cour des Miracles, Romain va faire la connaissance de plusieurs personnages hétéroclites comme Lion (un beau rouquin à l’œil difforme), Akou (son frère à la peau noire), Zacharie (un bambin à la peau tachetée et qui zozote) et bien d’autres. Il y a là une très belle galerie de personnages secondaires variés, attachants et touchants ! J’aurais d’ailleurs adoré qu’on les développe davantage. On reste trop en surface. Toutefois, cet ouvrage est à destination d’un public adolescent. L’auteur a donné de la consistance à tout ce petit monde, mais a davantage mis l’accent sur le rythme de son intrigue. C’est un choix compréhensible même si, je le reconnais, j’aurais adoré un peu plus de profondeur que ce soit pour le monde ou les protagonistes y évoluant.

Complots, mystères, menace mortelle, … En plus de proposer une aventure haletante et sans temps morts qui rappelle les romans de cape et d’épée, David Bry a offert de beaux messages, notamment ceux de la tolérance, de l’acceptation de l’autre, de l’ouverture d’esprit, de l’altruisme et de l’entraide. Le tout est accompagné de chouettes petites illustrations ainsi que d’informations annexes (rapports de police, extraits de journaux, textes de loi, lettres, etc.). On notera également la présence d’argot : crever l’œil au diable (vaincre les difficultés), fagoter (travailler sans goût), gigot (bravo), ronflant (impressionnant), se manger le cœur (s’inquiéter), etc. Il s’agit principalement d’argot parisien de l’époque ainsi que des expressions inventées par l’auteur. Le tout est assez dépaysant et parfois difficile à comprendre cependant, cela a son charme ! On finit par s’y faire (et si ce n’est pas le cas, il y a plusieurs pages de lexique en fin d’ouvrage).

Ce livre romanesque à la sublime couverture m’a enchantée ! Ce fut une belle ode à la différence. Merci aux éditions Pocket pour cette découverte que je recommande aux jeunes lecteurs et aux adeptes de l’imaginaire n’ayant rien contre les héros adolescents.

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Logo-Pocket.

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Citations

Tu es mon ami parce qu’avec toi, il n’y a pas de limite à ce qu’on peut vivre, à ce qu’on peut essayer d’être. Je comprends aujourd’hui pourquoi. Mais ça n’enlève rien. Au contraire. Ça t’ajoute le courage. Alors, pour tout ça, tu es et tu resteras mon ami. Quoi que tu sois.

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– Aimeriez-vous n’être entourés que de personnes complètement identiques à vous ? demande-t-il.
Romain et Ambroise secouent la tête en même temps.
– Ce serait terrifiant, acquiesce le prince. Il n’y aurait plus d’inconnu. Plus de surprise. Plus d’incertitudes. Plus rien pour nous déranger, nous changer. Nous n’aurions plus besoin de défendre nos avis : nous aurions tous les mêmes. Nous n’aurions même plus besoin d’avoir des avis, d’ailleurs ! Ce serait la fin de ce qui rend chacun de nous unique… et donc absolument indispensables aux autres.
Malgré son souffle court, il poursuit :
– Contrairement à certains penseurs de l’Église, je suis convaincu que la différence est justement le fondement de la société. Elle nous enrichit, nous ouvre, des horizons sans limites. Elle nous permet d’envisager plusieurs chemins, de les jauger et d’ensuite prendre le meilleur. Sans différence, la société stagne, n’évolue plus. C’est la mort assurée.

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– Je comprends pas qu’tu parles de chez toi comme l’enfer, continue le garçon à la peau d’ébène. T’as tout c’que nous on rêverait d’avoir. T’as un lit, des p’tits pains, des gens qui s’occupent de toi. T’as rien à voler pour le lendemain. Tu dors au chaud quand y caille ou quand le ciel y nous pisse dessus.
Romain se tourne et plonge ses yeux dans les siens.
– Tu as raison, Akou. Mais il me manque une chose. Une seule qui gâche toutes les autres, que vous avez et que moi je n’ai pas.
– Et c’est quoi, ce fameux trésor?
– La liberté.

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Ma note

4/5

10 réflexions au sujet de « « Le Garçon et la ville qui ne souriait plus » de David Bry »

  1. Oh, je n’avais pas remarqué que c’était le même auteur que « Que passe l’hiver  » !
    J’avoue que l’histoire du premier me tente plus que celle-ci, je ne suis pas une grande amatrice d’histoires fictives voire fantastiques se déroulant à Paris…

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