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« Nos vies suspendues » de Charlotte Bousquet

emilie Un avis de Saiwhisper

Titre : « Nos vies suspendues »
Auteur : Charlotte Bousquet
Genre : Roman contemporain / Littérature pour ados – young adult / Fantastique
Éditeur : Scrineo

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résumé du livre

Que faire, quand la justice ne vous rend pas justice ? Une poignante histoire de vengeance et de reconstruction pour continuer à vivre.
Trois ans, déjà. Trois ans qu’Anis court pour ne plus qu’on la rattrape. Trois ans que Nora a préféré ralentir, pour s’arrêter de penser. Trois ans que Milan s’en veut de n’avoir rien pu faire. Trois ans que Steven a fermé les yeux, et qu’il avance dans le noir.
Cette nuit-là les a marqués à jamais. Et chacun doit réapprendre à vivre, avec cette voix intérieure qui ne les quitte pas. Cette voix qui ne cesse de grandir et qui ne s’arrêtera pas de parler. Pas tant que les coupables n’auront pas payé. Alors que le passé ne leur laisse aucun répit, comment retrouver le fil de leurs vies suspendues ?

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Ma critique

Après l’excellent « Mers mortes » d’Aurélie Wellenstein, Scrineo propose un nouveau roman coup de poing autour d’une thématique difficile : celle du viol. En lisant la quatrième de couverture, je ne savais pas forcément qu’on allait basculer sur ce sujet. Mais une fois que j’ai compris, j’ai quand même voulu voir comment Charlotte Bousquet allait traiter ce type de drame. De manière générale, je n’ai jamais été déçue par sa plume féministe et puissante, ni par les différents récits qu’elle a écrit. J’avais donc beaucoup d’attentes concernant « Nos vies suspendues » et je dois reconnaître que le résultat m’a plu !

Une_Vies-suspendues_OK-600x910Cette lecture ne laisse pas le lecteur indifférent. Attendez-vous à ressentir une pluie d’émotions tout au long du livre ! Le sujet en lui-même est déjà très sensible, mais c’est surtout l’injustice que l’on partage avec les héroïnes qui nous prend aux tripes. Les propos de la cour de justice sont malheureusement des choses que l’on entend souvent : « Les filles l’avaient cherché en étant peu habillées. », « Elles avaient bu et s’étaient amusées en dansant sur la piste. », « Elles ne se sont pas assez débattu. ». Des propos horribles, crédibles et terriblement révoltants… Bien sûr que ces adolescentes ont fait la fête, bien sûr qu’elles ont trop bu à cause de leur âge et de l’euphorie du moment, bien sûr qu’elles ne s’attendaient pas à cela, puisqu’elles pensaient être avec leurs amis en qui elles avaient confiance… Cela aurait pu arriver à n’importe qui… Et c’est bien ce qui est effrayant… Hélas, le verdict est sans appel pour les personnages de ce roman… Et pour de nombreuses victimes de notre monde que l’on écoute à peine… Pire : que l’on accuse ! Comme si une femme aspirait à être violée par une ou plusieurs personnes… Pathétique. Pour ma part, un sentiment de révolte et de colère m’a animée jusqu’au bout… Je reposais avec peine mon ouvrage et vais certainement rester marquée pendant quelque temps…

La narration est plurielle : elle papillonne entre les jeunes ayant vécu cette affreuse soirée. On a donc le point  de vue des violeurs, du compagnon d’une victime qui est hanté par la culpabilité de ne pas avoir agi et d’avoir regardé, du jeune flic qui a trouvé les filles le lendemain et des deux demoiselles. Il est intéressant de voir les deux façons dont ces dernières ont réagi. C’est terriblement réaliste ! L’une a sombré dans l’obésité et va tenter de mettre fin à ses jours. Les chapitres où elle est narratrice sont très forts émotionnellement et particuliers, car on emploie la deuxième personne, comme si on s’adressait directement au lecteur ou que l’on se détachait. Nora s’adresse à elle-même, comme si elle n’existait plus, comme si quelqu’un lui racontait son histoire puisqu’elle n’est plus l’ombre d’elle-même pour le faire. C’est assez terrifiant et bien vu. Sa camarade Anis emploie la première personne et réagit vraiment autrement : avec rage, dégoût et envie de vengeance. Elle tente de refaire surface néanmoins, ses démons ne partent pas et chaque nouvelle décision de la justice est un coup de massue supplémentaire. J’ai été très émue par Anis et Nora au point de ressentir énormément d’empathie pour elles…

Le sujet est bien traité, tout est très fort psychologiquement, tandis que le scénario est aussi sensible que vraisemblable… sauf le dénouement ! En effet, même si j’adore le fantastique et que je comprends l’idée de l’auteure ainsi que la métaphore, je n’ai pas spécialement adhéré au changement de genre en fin d’ouvrage… C’était vraiment inattendu ! J’étais restée sur du roman contemporain abordant une thématique difficile, je ne pensais donc pas qu’on allait dériver sur « ça »… Malgré mon ressenti, je suis persuadée que cette touche surnaturelle plaira à certains lecteurs. C’est simplement une question de goût et d’attente. Quoi qu’il en soit, ce fut une lecture intense que je recommande.

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Citations

Lui, ce n’est pas le viol, qu’il risquait avec son attitude. Mais le lynchage public. Coupable d’être lui-même.
Et nous, on était coupables de quoi, déjà ? Ah, oui : d’être jeunes, jolies, heureuses de profiter d’un début d’été, de vacances ensoleillées, de la musique ringarde du 14 juillet et d’avoir trop dansé, trop bu.
Et eux, ne sont coupables de rien. Ni de viol ni d’abus. Ni même de lâcheté.
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La honte et la peur te sont tombées dessus, tu t’es engouffrée dans la bouffe pour éviter de te noyer et peu à peu, ta bouée de sauvetage a montré son vrai visage, celui d’une prison, avec ta chair en guise de barreaux. 

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Lâche. Tricheur. Menteur. Lorsque Steven a croisé le regard froid d’Anis, ces mots l’ont transpercé comme des lames. Il a reculé, le souffle court. Quand il a repris ses esprits, elle avait disparu. Impossible de savoir s’il avait imaginé son visage ou si elle se trouvait bien là, séparée de lui par une nasse humaine. Cette rencontre l’a hanté toute la soirée.

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Ma note

4,5/5

18 réflexions au sujet de « « Nos vies suspendues » de Charlotte Bousquet »

  1. Ah merci !!!! Une excellente idée cadeau pour l’anniversaire de mon filleul qui est fan de fantastique, et et va avoir 17 ans dans 15 jours. Je n’ai plus à me casser la tête ☺

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    1. Wow wow euh, je ne sais pas si c’est LE cadeau que je conseillerais à un fan de fantastique. On parle quand même de viol pendant 95% de l’histoire. Le fantastique n’arrive qu’à la fin. C’est vraiment une touche. Penche-toi plutôt vers d’autres titres comme Remade (s’il aime les virus et la survie), Powerclub (super héros), La faucheuse (fantastique/science fiction), Illuminae (format original), la passe miroir (fantastique young adult), sinon du fantastique pour adulte (à 1 an près, y’a de l’adulte abordable…). Mais pas celui-ci, car ce n’est pas le sujet principal.

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  2. Je ne m’attendais pas, vu la problématique abordée et le ton général du roman, à cette fin fantastique… Je comprends sans peine que tu aies été étonnée !
    J’avais repéré l’ouvrage, mais j’ai vraiment peur de la thématique même si ta chronique m’encourage à sauter le pas…

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    1. Oui, c’est réellement intriguant et déstabilisant de trouver ça dans un roman contemporain.
      Honnêtement, les descriptions sont succinctes par rapport à d’autres titres. Seule la psychologie des personnages est développée. Donc rien de « choquant » (contrairement au « Malheur du bas » qui décrit réellement la scène sur 6 pages…). Juste, beaucoup d’émotions.

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