BD

« Le rapport Brazza » de Vincent Bailly et Tristan Thil

emilie Un avis de Saiwhisper

Titre : « Le rapport Brazza »
Auteurs : Vincent Bailly et Tristan Thil
Genre : Bande dessinée pour adultes / Historique
Éditeur : Futuropolis

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résumé du livre

Au XXe siècle naissant, l’Afrique est un enjeu majeur pour les puissances européennes et les grandes entreprises privées. Alors que le bassin du Congo devient le théâtre de tensions internationales croissantes, la presse se fait l’écho de crimes commis envers les populations locales. Quelque part au nord de Bangui (actuelle Centrafrique), deux administrateurs coloniaux français assassinent un homme dans un raffinement de cruauté. Révélée par la presse le 15 février 1905, ce qui devient rapidement « l’affaire Gaud et Toqué » est un véritable choc pour l’opinion. Pour le gouvernement, l’urgence est d’en démontrer le caractère isolé. Sous la pression parlementaire, une mission d’enquête est envoyée au Congo sous la direction d’un explorateur à la réputation d’honnêteté et d’humaniste incontestée : Pierre Savorgnan de Brazza. Pendant les quatre mois passés au Congo, Brazza et ses enquêteurs, malgré l’obstruction zélée de l’administration française, vont arpenter des centaines de kilomètres, interroger de nombreux témoins, multiplier les découvertes macabres…

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Ma critique

Dernière lecture de Vincent Bailly avant sa rencontre… Mais, bon sang, ce fut vraiment terrible ! Le résumé à lui seul vous permet de comprendre l’ambiance sombre et violente qui hantent ces pages… Une fois encore, l’illustrateur s’attaque à un sujet réaliste et historique. Il semble vraiment être un auteur engagé qui ose travailler sur des thématiques difficiles. Or, il y parvient de nouveau avec brio ! Cette bande dessinée se fonde sur un rapport jamais publié (ou du moins, tardivement) montrant la situation coloniale au Congo français au début des années 1900. couv44353965Ces documents ont été volontairement mis sous silence et on comprend volontiers cette censure étant donné l’horreur qui a été dissimulée ! Les faits sont tout simplement honteux et inhumains ! L’Homme est vraiment capable des pires atrocités… Même si les deux auteurs ont romancé cette BD, ces faits monstrueux ont réellement eu lieu…

J’ai été écœurée par cette situation abominable. Certes, on se sait que la colonisation a fait des ravages, mais on n’imagine pas à quel point… À travers ses planches semblables à des aquarelles, Vincent Bailly plonge le lecteur au cœur du Congo. Les couleurs sont très bien choisies ! On se croit dans ces forêts tropicales luxuriantes et on imagine à merveille la ville lorsque la narration a lieu à Paris. Les personnages sont très expressifs. Leurs traits ne séduiront peut-être pas tout le monde, car on voit les coups de crayon ou les traits à l’encre de Chine cependant, cela m’a personnellement bien plu. Après avoir lu plusieurs œuvres de Vincent Bailly, j’ai fini par me faire à son style parfois un peu brouillon que je trouve à présent très intéressant. Bien que le contexte est loin d’être paradisiaque, on a l’impression de découvrir des carnets de voyage ou de magnifiques esquisses… J’admire surtout sa gestion des teintes qui sont judicieusement choisies selon la scène ou l’ambiance du récit. Une double planche vermeil représentant le massacre et le viol de tout un village m’a terriblement marquée…

Il faut avoir le cœur bien accroché avec « Le Rapport Brazza », car les auteurs ne nous épargnent rien. L’abomination humaine est présente tout au long des passages se déroulant au Congo : esclavage, racisme, maltraitance, violence, pillage des ressources, abus de pouvoir, viol, exécutions barbares, … Sans oublier une scène montrant que les colons aimaient faire sauter les esclaves à coup de dynamite ! On a là une sombre partie de l’Histoire ! Que ce soit au Congo ou lors des échanges entre les têtes pensantes et les politiques à Paris, j’ai été très touchée par ce que j’ai vu et lu… Il y a de quoi vous dégoûter du genre humain… Je ne recommanderais pas cet ouvrage à tout le monde, car il y a de quoi ressortir déprimé de cette lecture… Cela dit, la thématique est très importante et mérite d’être mise en lumière ! Enfin, on notera plusieurs pages annexes permettant de comprendre le dossier. Cartes, photographies, pages de journaux, le contenu est riche et permettra au lecteur d’en savoir plus sur ce passage historique méconnu…

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Citations

– Il a trahi. Et lors de sa fuite il a incité les tribus voisines à la révolte.
– Je sais. Et j’ai bien failli y passer dans son embuscade.
– Il sera fusillé !
– Je vous laisse carte blanche.
– Ou alors, on pourrait le décapiter à la dynamite. Ni trace de coup de fusil, ni trace de coup de sagaie…
[…]
– Faites ce que vous voulez !
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Je ne compte plus les nuits blanches, hanté par ces fantômes.
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Sur les quarante femmes et les vingt enfants du village de Ngonakombo détenus à Bangui… Il ne reste que 10%…
… Cent dix-neuf femmes et fillettes…
L’État de Marasme et de Consomption laisse soupçonner que les individus ont été séquestrés…
Le pire, ce sont les otages…
Chaque cartouche est une vie prise. Je ne compte plus le nombre que j’ai tiré.
… Les cadavres ont été en silence jetés au fleuve…
Je ne vous cache pas qu’il y a eu lieu de craindre que la domination française n’ait été marquée quelques fois par des excès…
Est-ce moi qui ai rendu possible cette folie ?
Nous n’étions pas dignes de la coloniser.

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Ma note

3,5/5

9 réflexions au sujet de « « Le rapport Brazza » de Vincent Bailly et Tristan Thil »

  1. ça m’a l’air effectivement d’être une BD dure à lire… Comme beaucoup de celles qui traitent de cette période finalement ! Mais je ne connaissais pas du tout cette affaire ! J’ai peur en revanche que le style brouillon me gène un peu… si je tombe dessus en librairie, je le feuillèterai histoire de voir si les illustrations me parlent ou non 🙂

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  2. J’ai beaucoup pensé à ton article après l’avoir lu. Ce sujet si peu évoqué et trop souvent mis sous le tapis me touche beaucoup. Encore plus car la famille de ma mère a vécu au Congo et dans d’autres colonies pendant son enfance. Super chronique 😘

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      1. Et bien au Congo mon grand père a du travailler avec l’abbé Fulbert Youlou, le temps de pouvoir être évacué. Il ne fallait pas faire de pas de travers car il était taré mais nous sommes blancs du coup ils étaient du « bon côté » et ont pu s’enfuir au bout de 6 mois. Ma grand mère a vu et vecu des choses assez terribles pendant son enfance à Madagascar, mais ce n’est pas comparable aux horreurs de la colonisation…

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