Romans policiers / Thriller

« Sång » de Johana Gustawsson

emilie Un avis de Saiwhisper

Titre : « Sång »
Auteur : Johana Gustawsson
Genre : Roman policier / Historique
Éditeur : Bragelonne

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résumé du livre.
[Sång] : nom fém. En suédois, signifie « chanson ».
En Suède, une famille est massacrée dans sa luxueuse demeure. Ce terrible fait divers rappelle sur ses terres Aliénor Lindbergh, une jeune autiste Asperger récemment entrée comme analyste à Scotland Yard : ce sont ses parents qui ont été assassinés. Avec son amie Alexis Castells, une écrivaine spécialisée dans les crimes en série, la profileuse Emily Roy rejoint sa protégée à Falkenberg, où l’équipe du commissaire Bergström mène l’enquête. Ensemble, elles remontent la piste du tueur jusqu’à la guerre civile espagnole, à la fin des années 1930, lorsque le dictateur Franco réduisit toute résistance au silence, dans le sang.

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Ma critique

Quel plaisir de replonger dans une œuvre de Johana Gustawsson ! Cette dernière m’avait déjà conquise avec « Block 46 » et « Mör », car elle mélangeait subtilement Histoire et enquête grâce à une double narration mêlant le passé et le présent. Dans ses ouvrages mettant en scène les mêmes enquêtrices que dans « Sång », l’auteure avait confronté ses héroïnes à des affaires remontant en 1944 dans le camp de concentration de Buchenwald ainsi qu’à personnages malsains et intelligents nés « dans l’ombre de Jack l’Éventreur » ! Cette fois-ci, l’intrigue va trouver des liens avec le Franquisme. Ce choix m’a plu, car il m’a permis de plonger dans une période espagnole que je connaissais peu et que je n’avais pas l’habitude de croiser en littérature. Cela dit, ce que j’ai lu m’a à la fois révoltée, écœurée et terrifiée ! L’horreur humaine est vraiment bien retranscrite, que ce soit pour la pauvre Teresa et sa famille ou encore pour la jeune Gordi. C’était glaçant ! 124967589Certes, on est sur de la fiction toutefois celle-ci est basée sur des actes historiques ainsi que des faits réels ignobles. Attention aux âmes sensibles, car vous ne serez pas épargnées ! Je vous déconseille cet écrit, si vous êtes mal à l’aise avec les thématiques de la guerre civile, des viols, de la violence et de la pédophilie.

Une fois encore, l’auteure a su judicieusement ficeler son enquête (même si j’ai trouvé certains points tirés par les cheveux lors du dénouement…). La tension augmente crescendo et se voit alimenter par un rythme soutenu grâce à la narration alternée ainsi que des chapitres courts. De ce fait, je suis rentrée rapidement dans le livre et j’ai tourné les pages avec intérêt. Malgré leur dureté, les chapitres dédiés aux protagonistes espagnols étaient ceux qui m’interpelaient le plus. Il me tardait d’arriver à comprendre quel lien il y avait entre ces scènes barbares du passé et ce meurtre multiple de la famille d’Aliénor. Était-ce quelqu’un qui en voulait à la jeune recrue Asperger ? Un membre de la famille était-il spécifiquement visé ? Y avait-il un secret de famille derrière tout ça ? Pourquoi les victimes avaient-elles la langue coupée ? Tant de questions (auxquelles d’autres s’ajoutent) m’ont hanté durant ma lecture… J’ai réellement apprécié me retrouver aux côtés d’Aliénor, Emily et Alexis pour les élucider ! Les retrouver toutes les trois m’a fait plaisir. Certes, on ne peaufine pas leur personnalité toutefois, les choses avancent, notamment pour Alexis qui est en plein préparatifs de mariage. J’ai néanmoins quelques réserves sur ce trio : une personne qui n’a pas lu les opus précédents est-elle réellement capable de les apprécier ? J’avais déjà un doute en lisant « Mör »… Et j’en ai encore plus maintenant ! À mon sens, il est primordial d’avoir lu au préalable au moins l’une des enquêtes pour apprécier « Sång ». Sans cela, je pense qu’il n’y aura pas d’attachement pour les héroïnes qui sont peu décrites. Pire : le lecteur sera peut-être perdu entre tous les personnages qu’il devra apprendre à connaître en même temps…

En plus de toucher au Franquisme, cette publication va aborder une thématique qui semble me poursuivre dans mes lectures du moment : l’infertilité et le désir d’enfanter grâce à la PMA. En voyant le sujet arriver, j’ai serré les dents, car je craignais que cela prenne autant de place que dans « Un mur entre nous » de Caroline Corcoran. Heureusement, ce n’est pas le cas ! Johana Gustawsson a très bien su doser cet élément avec les autres points qu’elle a abordé. Un cocktail osé, sensible et addictif ! En outre, ce choix est expliqué de façon touchante à travers ses remerciements (origines catalanes et vie personnelle)… Un troisième opus qui est donc bouleversant, fluide, plaisant et intéressant, à condition d’avoir découvert au moins l’un des deux autres polars de l’auteure. Une ambiance différente, mais encore une réussite.

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Citations

La neige escomptait les contours de la plage, lui donnant des airs d’aquarelle. Elle avait coiffé le sable, les galets, et drapé la jetée. Sous la neige, le paysage devenait à lui seul un conte. Ses paillettes immaculées arrondissaient les angles et gommaient les différences, propageant une beauté douce et rassurante. Le silence ouaté transformait les cris en murmure et le vent en musique.
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Il y a douze ans de ça, lorsque nous avons découvert que j’étais stérile, je vous aurais dit que ma vie venait de reproduire, de procréer, d’enfanter. L’essence même de la survie de notre espèce m’était interdite. Après l’opération, je n’arrivais plus à regarder ma femme dans les yeux, j’avais l’impression d’être exclu du monde. J’ai grandi dans une famille d’accueil et je rêvais de devenir père. Pour moi, fonder une famille signifiait transmettre mon sang, ma carte génétique, avoir une descendance qui me ressemble et dans laquelle je me reconnaîtrais. Planter ma graine, quoi. Or, rien de plus beau ne m’est arrivé que d’être stérile : j’ai compris les enjeux de la paternité et de l’éducation. J’ai compris que le rôle de père n’est pas donné : il est à construire.
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– Je commence par moi, alors. J’ai causé beaucoup de problèmes à ma famille avant qu’on découvre mon autisme. Mes parents ne comprenaient pas pourquoi je réagissais différemment. Je n’étais pas comme mon frère et ma sœur, ni comme mes camarades de classe, les enfants des amis de mes parents ou ceux des voisins.
Aliénor pencha la tête sur le côté ; ses yeux voyageaient dans le temps.
– Mon père m’a beaucoup grondée lorsque j’étais enfant, parce que je ne comprenais pas ce qu’il me demandait. Ni ce qu’il me reprochait. Maman me supportait difficilement. Si elle était là, elle dirait que je mens. Mais c’est vrai. Ma soeur me défendait. Elle tolérait ma différence. Louise aimait cette différence. Et elle m’aimait malgré ça. Lorsque, à mes douze ans, Owe Edwardson, mon professeur d’histoire, a suggéré que je souffrais du syndrome d’Asperger, puis que les médecins ont corroboré ce diagnostic, mes parents se sont montrés bien plus patients. Comme m’a dit Louise, ils avaient enfin un manuel qui leur expliquait comment interagir avec moi. Ça devenait plus facile pour eux. Mon autisme a crée beaucoup de tensions et de disputes dans notre famille.
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Elles parlaient de l’exécution de leurs parents et disaient que l’Église œuvrait pour le diable. Avec Laura, elle avait une autre théorie : l’église était le diable. Et l’homme sur la croix ne le savait pas. Il ne savait pas que ceux qui prétendaient le servir avaient changé de camp. Qu’ils tuaient et violaient avec passion et conviction. Avec foi, même. 
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Ma note

4/5

13 réflexions au sujet de « « Sång » de Johana Gustawsson »

  1. Je suis contente qu’il t’aie autant plu, ça me donne encore plus confiance pour ma future lecture 🙂
    C’est vrai que globalement on connait moins la période de la dictature franquiste que d’autres périodes. Elle est moins étudiée en France, je n’ai eu de cours dessus qu’en 3ème année de licence!

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  2. Comme toi, le franquisme est un régime que je connais peu et que je n’ai jamais rencontré en littérature.
    L’autrice ne semble pas avoir peur de pousser ses lecteurs dans ses retranchements ! Quant à la tension, elle a l’air sacrément bien dosée…

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